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Les villages des Pyrénées béarnaises
Ogeu-les-Bains

Ogeu-les-Bains est un village de 1200 habitants, appelés les Ogeulois, situé à dix kilomètres d’Oloron Sainte-Marie, aux portes de la Vallée d’Ossau.

Il est traversé par trois cours d’eau : Le gave d’Ossau, l’Arriugastou, un affluent du gave d’Oloron et l’Escou qui prend naissance à Buzy.

Le territoire comprend des tourbières qui  se caractérisent par un sol saturé en eau privant les micro-organismes (bactéries et champignons) de l’oxygène nécessaire à la décomposition des  matières organiques. Ainsi, la matière végétale s’accumule et forme de la tourbe.​

L’habitat se présente sous différentes formes. Les structures les plus anciennes sont concentrées dans le centre-bourg (bâti ancien serré le long des rues étroites), dans les hameaux mais aussi dispersées dans les coteaux jurançonnais.

Les lotissements et maisons pavillonnaires des années 1970-80 et contemporains se trouvent en marge du centre ancien.

Toponymie

Son nom semble être apparenté au basque « ohil » qui signifie « désert ». La graphie de son nom a évolué au fil des siècles (Oieu, Oyeuq, Ougeu, Augeu) pour devenir, par une ordonnance royale de 1830, Ogeu-les-Bains.

 

Un peu d'histoire

Des monnaies à l’effigie d’empereurs romains ont été retrouvées dans les tourbières, signe de leur fréquentation et du passage sur cette lande.

Le premier texte mentionnant Ogeu remonte à 1278. Il s’agit de la charte de peuplement d’Herrère qui, datée « du lundi proche avant la saint Clément 1278 »,  est la confirmation par Fortaner IV, seigneur d’Escout et de Lescun, de l’existence d’une charte de « poblation » (peuplement) antérieure. Cette charte se réfère au for d’Oloron – premier document administratif relatant les droits et privilèges des habitants d’Oloron – qu’elle reprend en grande partie. Le village d’Herrère devient dès lors chef-lieu de la seigneurie à la place du village d’Escout.

Lors du censier de 1385 commandité par le vicomte Gaston Fébus afin de mieux connaître la population du Béarn, Ogeu compte 39 feux (maisonnées) dont les chefs de famille sont Berdot de Forcade, Peyroo d’Arribayee, Marie de Medeviele et Graciane de Poyoo.

Jusqu’au début du XVIIe siècle, le  village fait partie de la Capdalarie d’Escout *. Le bourg n’obtient son émancipation qu’en 1371 et bénéficie alors des droits fixés par le for d’Oloron. Ces privilèges sont accordés par Jean de Pommès et son épouse Marguerite de Lescun aux propriétaires, métayers et serfs, contre le versement de 1 520 florins d’or.

* La Capdalarie d’Escout, fondée à la fin du Xe siècle, est l’une des plus anciennes seigneuries connues des Pyrénées béarnaises. Elle avait la particularité de regrouper les  villages d’Escout, Escou, Ogeu, Herrère et Lasseube.

Les ogeulois organisent dès lors leur communauté autour d’un bayle (représentant du pouvoir vicomtal dans une circonscription administrative, financière et judiciaire), de jurats (représentant désigné par la communauté villageoise pour siéger au sein de la jurade qui publie les ordonnances politiques, fixe les taxes et juge les crimes et délits) et d’une cour majour ou cour suprême.

Depuis le Moyen Âge le village bénéficie d’une eau naturellement gazeuse connue et appréciée pour ses propriétés digestives. Henri IV est le premier à règlementer son exploitation. Jusqu’en 1820, les sources appartiennent à l’Etat. Elles sont alors achetées par un médecin d’Oloron, le docteur Casamayor, qui fait construire un établissement thermal en 1830.

Sa petite fille, madame Fuster Casamayor, obtient en 1880 l’autorisation de l’Etat d’exploiter l’eau minérale à des fins médicales. Depuis, la commune porte le nom d’Ogeu-les-Bains.

Juliette Fuster, descendante de la famille Fuster Casamayor, décide en 1943 de créer une usine d’embouteillage avec l’aide de la Compagnie Fermière de Vichy, sur le site de l’établissement thermal. L’artisanat dans la confection des bouteilles d’eau minérale fait place alors à une véritable industrie qui connait aujourd’hui une reconnaissance mondiale.

Héritier de la famille Fuster, Jean-Hervé Chassaigne, président du groupe Ogeu, exploite toujours la source béarnaise.

 

Mis en service à Pau dès 1863, le chemin de fer n'arrive à Oloron Sainte-Marie qu'une vingtaine d'années plus tard. Ce retard est essentiellement du à une controverse concernant le tracé de la ligne et nécessitant l'arbitrage, en 1874, de l'Assemblée Nationale.

Le 21 février 1877, le tracé est approuvé par le ministre des Travaux publics. L’arrêté préfectoral est pris le mois suivant « désignant les territoires qui doivent être traversés par le chemin de fer », soit, pour l’arrondissement d’Oloron, les communes de Buziet, Ogeu, Herrère, Escou, Escout, Précilhon, Goès. La ligne dessert plusieurs villages entre Pau et Oloron Sainte-Marie, parmi lesquels Ogeu-les Bains, bourg dont l’activité économique est déjà liée à l’exploitation de l’eau de source…. La gare est utilisée pour le transport des voyageurs mais aussi des marchandises et sert aussi bien à la desserte d’Oloron-Sainte-Marie qu’à celle de la Vallée d’Ossau, jusqu’à Laruns.

Dès le début du XXe siècle, le développement de l'électricité a amené les hommes à envisager son utilisation pour la traction des trains. En 1902, la Compagnie des chemins de fer du Midi décide d'électrifier, dans les Pyrénées, des lignes de montagne dont l'exploitation en traction vapeur se révèle techniquement difficile et onéreuse. Elle met dès lors en place un programme de construction d'usines hydroélectriques ayant pour objet d’étendre l'électrification des lignes à tout le réseau pyrénéen.

 

Autrefois essentiellement agricole, la commune d’Ogeu-les-Bains a réussi sa reconversion et est aujourd’hui, de par ses infrastructures implantées autour de la RN134, l’une des plus industrialisées du territoire.

Patrimoines

L’église Saint-Just et Saint-Pasteur

 

L’église dédiée à saint Just et saint Pasteur (enfants martyrisés en Espagne en 304) date de la fin du XVe siècle, comme en témoignent les restes d’une porte sculptée sous le porche d’entrée.

Incendiée en 1569 pendant les guerres de Religion, elle est reconstruite aux XVIIe et XVIIIe siècles et dotée d’un riche mobilier. En 1897, elle est entièrement restaurée et agrandie par l’architecte Philippe Leidenfrost. La date de 1881 figure sur les vitraux réalisés par l’atelier Mauméjean dont les principaux ateliers se trouvaient à Pau, Biarritz et Saint-Sébastien et celle de 1899 sur le porche d’entrée.

L’église s’organise en une nef prolongée par un chevet plat entouré d’un collatéral et un clocher de plan carré.

Un grand retable à trois panneaux rythmé par des pilastres et des colonnes cannelées habille le mur plat du chœur. Le tableau central représente le Christ en Croix avec saint Jean et la Vierge. De chaque côté trônent les statues de saint Just et saint Pasteur.  Le retable est dominé par un Dieu-le-Père entouré par deux anges.

Sur la porte du tabernacle est sculpté un Christ aux Outrages avec des anges portant les instruments de la Passion (colonne et croix) sur les côtés. Sur les ailes sont représentés saint Pierre et saint Paul.

Le maître-autel possède, sur le panneau peint en faux marbre, un médaillon central avec la colombe de l’Esprit Saint et de la végétation stylisée.

Les murs latéraux du chœur sont décorés de boiseries et décors de style rocaille. Quant aux chapelles latérales, ornées de mobilier XVIIe/XIXe siècle,  elles sont dédiées à la Vierge et à saint Joseph.

L’Abbaye Laïque

Une abbaye laïque est une maison, souvent située près d’une église, dont le maître est un laïc qualifié d’abbé. Celle d'Ogeu-les Bains est mentionnée pour la première fois en 1412. Elle appartient alors au marchand oloronais Espalle de Lane.  Au XVIe siècle, elle appartient au seigneur d’Arros, Bernard d’Ensaguilhem.  L’abbaye appartient à la famille Palassou dès 1715 lorsque Pierre-François achète la moitié de l’abbaye. Son neveu François en hérite et devient « Abbé laï d’Ogeu ». En 1740, Simon-Pierre Palassou devient à son tour abbé laïque à la mort de son frère aîné. De 1765 à 1771, Pierre-Bernard Palassou, devient par héritage de son père abbé laïque.

Pierre-Bernard Palassou, célèbre minéralogiste, vend l’abbaye pour moitié (l’autre moitié appartenant aux sieurs de Florence Sassus et de Bas) à Martin Simon Duplàa, chevalier, seigneur d’Escout, Escou, Herrère, Gavas et autres lieux, pour la somme de 92 500 livres.

Seul subsiste aujourd’hui un pavillon de plan carré probablement datable du XVIIe siècle.

Les maisons remarquables du centre-bourg

Les habitations du village se distinguent selon qu’elles se trouvent en centre-bourg, où elles sont plus anciennes, ou le long de la rue principale reliant Herrère à la vallée d’Ossau, où l’on trouve d’imposantes fermes des XVIIIe et XIXe siècles, disposées autour de cours souvent en calades (sol intérieur ou extérieur fait de galets calibrés, posés de chant et figés dans une forme de terre, sable ou mortier léger).

Au centre-bourg, on retrouve les demeures liées au pouvoir comme la maison Supervielle anoblie en 1478 ou la maison d’Arribagé, voisine de la maison Supervielle, elle aussi  anoblie mais en 1610 au profit de Joan de Bonafont.

Plus loin, vers la mairie, la maison « deu foo », aujourd’hui en cours de réhabilitation, est une ancienne demeure du XVIe siècle  qui présente encore des fenêtres et porte à arc en accolade ou à meneaux alors que la ferme Arriubergé possède un cartouche, au-dessus de sa porte cochère, gravé du texte : « Rien sans pene, l’an 1711 »

   

Personnalités

Le chanoine Arthur Biers

Né à Ogeu en 1888, ce chanoine d’origine modeste est, durant la Première Guerre mondiale, aumônier du lycée Montaigne à Paris et maire d'Ogeu de 1935 à 1958.

Dès 1934, il s’engage dans la politique et se présente aux élections municipales. Son programme comporte 3 points : le reboisement de la forêt, l’électrification du hameau et l’adduction d’eau dans toutes les habitations.

Dès son élection, tous les travaux sont réalisés. Des jeunes du village ont été embauchés pour creuser les trous destinés aux plantations de nouveaux arbres, l’électrification du hameau suit et les habitants participent pour creuser les tranchées nécessaires aux canalisations pour l’adduction de l’eau.

En 1945, il est réélu face à Lagière puis en 1947 et 1953, face à Suster, préfet honoraire, gestionnaire des Bains d’Ogeu. Il est battu en 1959 par Santiago.

Il quitte alors ses fonctions d’élu et se consacre uniquement à la cure de Buziet qu’il occupe depuis 1939.

Il décède en 1982 à l’hôpital d’Oloron à l’âge de 94 ans. Il est inhumé au cimetière d’Ogeu.

Pierre-Bernard de Palassou

Né en 1745 à Oloron Sainte-Marie, Pierre-Bernard de Palassou est le fils du seigneur Simon de Palassou, abbé laïque d’Ogeu,  et de Marie Suzanne de Laurens.

Sa mère meurt alors qu’il n’a que 6 ans. Il est placé chez les Jésuites à Pau. Très bon élève, il poursuit ses études à Bordeaux en philosophie. Bachelier, il entame des études de droit. Au décès de son père en 1765, il hérite de l’abbaye laïque d’Ogeu qu’il vend en 1771.

Il s’installe à Paris dès 1767 et se consacre à des études scientifiques. Il s’inscrit aux cours du Jardin des plantes créé en 1635 qui devient en 1793 le « Muséum d’histoire naturelle ». Il se rapproche de Guettard, géologue, et de Lavoisier, chimiste.

Ses premières recherches semblent se situer aux environs de 1774 lorsqu’il est chargé par le ministre Bertin qui souhaite réaliser un atlas, de l’étude de la chaîne des Pyrénées. De nombreux domaines l’intéressent : géologie, arboriculture, minéralogie, ethnographie, etc. Dès lors, il observe et arpente les reliefs et parcourt plus de 3 000  km. Il met en lumière le rôle de l’érosion dans la naissance des montagnes. Bertin lui donne également pour mission de rechercher les minéraux et emplacements anciens de mines. Palassou étudie 65 roches. Ce dernier travail fait sa renommée et ses travaux  sont encore utilisés dans les cours de géologie.

Il intervient à l’Académie des sciences dès 1776. En juin 1777, il présente un mémoire ayant pour thème la minéralogie dans les Pyrénées. En 1781, il devient officiellement « Correspondant de l’Académie des Sciences » et publie une première parution de son Essai sur la minéralogie des Monts Pyrénées ; suivi d’un catalogue des plantes observées dans cette chaîne de Montagnes. Cet essai obtient du succès auprès de ses contemporains et des journaux de l’époque.

En 1782, il achète la seigneurie d’Ogenne ainsi que le  domaine de Susbielles qui devient sa résidence jusqu’à sa mort en 1830.

 

Zoom sur...

Le site géologique de Courrèges

A l’entrée du village se trouve, sur la Route Géologique Transpyrénéenne, le site de Courrèges sur lequel  des  panneaux explicatifs proposent, sur fond d’images satellite, une lecture originale du paysage et de ses roches.

Cet affleurement de roches noires basaltiques provient d’un volcanisme sous-marin actif, il y a 96.000.000 d’années dans ce secteur. Le bassin d’Ogeu se situe alors dans un bras de mer s’ouvrant sur l’Europe et l’Ibérie.

A cette période, la région est ponctuée de failles ouvertes par lesquelles montent des laves en fusion qui viennent recouvrir le fond de la mer.

Lorsque la lave en fusion (1000°) arrive au contact de l’eau de mer (4°), elle se refroidit brutalement et une croûte solide se forme sur sa partie externe. Selon la pente sur laquelle s’écoulent les laves, il se forme soit des  tubes, dans lesquels la lave coule encore, soit des coussins (pillows-lavas) s’il n’y a pas d’écoulement. L’orientation des tubes visibles dans la carrière de Courrèges indique un écoulement de la lave vers le sud.

Les coulées que l’on peut observer sur ce site se sont formées il y 96 millions d’années et sont semblables à celles qui se forment encore de nos jours au fond des mers.

 

Le saviez-vous ?

Médias

Le 12 janvier 1972, Jacques Chancel, écrivain et journaliste audiovisuel, joue la surprise en lançant sa toute nouvelle émission télévisuelle « le Grand échiquier » depuis le Moulin de Jean Salet, avec qui il entretenait une grande amitié, à Ogeu-les-Bains.

Cette émission est basée sur un tout nouveau concept qui consiste à réaliser des duplex dans  les provinces françaises, en plus des enregistrements en studios parisiens.

Pour ce premier direct, Georges Brassens  est l’invité vedette, accompagné du groupe vocal Festara de Mauléon.

C’est également grâce à Jacques Chancel qui, faisant se rencontrer l’acteur franco-italien Lino Ventura et Jean Salet, est à l’origine de l’amitié entre les deux hommes. Leur complicité permet de concrétiser la création d’un foyer de vie pour l’accueil d’adultes handicapés mentaux.

Ainsi, la Maison Perce-neige Odette-Ventura est inaugurée en 1988.

Sorcières

Les landes désertes et marécageuses d’Ogeu sont à l’origine de nombreuses légendes et superstitions liées aux hades (fées) et aux broutches (sorcières maléfiques ou guérisseuses) durant près de 400 ans. Ces croyances ont même donné naissance  à l’expression « eras brouxes d’Ogeu »  relevée par  Vastin Lespy dans son ouvrage Dictons du pays de Béarn (1875).

D’un point de vue historique, ces superstitions ont amené, en 1593, six femmes d’Ogeu derrière les barreaux de la prison d’Oloron. Jugées et condamnées  pour sorcellerie, elles sont pendues puis brûlées. En 1672, un Edit Royal interdit les procès pour sorcellerie mettant ainsi fin à une obscure période.