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Les villages des Pyrénées béarnaises
Esquiüle

Esquiüle est un village de 540 habitants, appelés les Esquiulais ou Eskiulatar en langue basque, situé à 11 kilomètres de l’extrémité ouest d’Oloron-Sainte-Marie, à la frontière entre le Béarn et la Soule.

Il est traversé par des affluents du gave d’Oloron, le Vert et le Joos.

Toponymie

Le nom du village semble issu du basque ‘‘eski’’ qui signifie ‘‘tilleul’’ et de ‘‘ola’’ qui veut dire ‘‘maison’’.

Un peu d'histoire

Le camp de Cochou ou Koxugaina en basque est un site protohistorique surplombant les vallées du Littos, du Joos et du gave d’Oloron. Le terre-plein central de 195 m de long et 85 m de large comprend un rempart avant et arrière.

A 2 kilomètres au sud ouest du village, au lieu-dit Castège, se trouve une motte de 150 m de diamètre, partiellement entourée d’un fossé. Cette enceinte aurait accueilli un château ainsi qu’un regroupement d’habitations disparus suite à la création du village. L’appellation basque du lieu-dit Castège « Gatzelu Suhar » (château vieux) conforte cette hypothèse ainsi que la tradition rapportant que les pierres de l’ancien château auraient servi à la construction de celui de Mesplès au XVIIe siècle.

Lors du censier de 1385 commandité par le vicomte Gaston Fébus afin de mieux connaître la population du Béarn, Esquiüle n’existe pas encore mais une métairie appelée Ilhasse appartenant à l’abbé laïque de Ledeuix, en Béarn, est signalée.

A la fin du XIVe siècle, Arnaud Sanche IV, seigneur de Tardets, de Ahaxe … et de Lédeuix devient propriétaire des terres sur lesquelles est fondé le village, de par son mariage avec l’héritière de la maison de Luxe.

Au début du XVe siècle, le seigneur de Luxe, soucieux de valoriser ses terres incultes, fait venir des cadets de famille de Soule et de Basse-Navarre pour défricher les barthes - landes et bois - et collines en bordure des ruisseaux du Joos et du Litos.

En 1444, les premiers affièvements, sorte de bail accordé par un seigneur sur les terres qu’il a en sa possession à un ensemble d’habitants, sont conclus. La population est alors désignée comme ‘‘ habitants sur la terre de Bervielle et paroissiens de Barcus’’.

En 1456, le châtelain gouverneur de Mauléon accorde le droit de pacage dans les montagnes de Soule à la nouvelle communauté d’Esquiüle Bervielle, nom d’un immense bois situé en bordure du Vert.

En 1465, les premiers défricheurs étant devenus assez nombreux, il est établi un bésiau (village) avec sa cour et ses jurats, sous le nom ‘‘d’Ihasse et Bervielle’’, dont le baron de Luxe est le seigneur.

Cette conquête des territoires se traduit dans la physionomie du village dont le bourg concentre quelques habitations autour de l’église alors qu’un grand nombre de demeures sont disséminées dans les différents quartiers correspondants à d’anciens hameaux. 

La création tardive du village engendre de nombreux procès et conflits concernant le droit des Esquiulais et de leurs voisins tout au long des XVIe et XVIIe siècles. Ainsi, une décision seigneuriale datée de 1524 permettant à la communauté d’habitants de « mener paître le bétail dans les limites des territoires, landes des villages circonvoisins, de soleil à soleil jusqu’au troisième clocher.., paisiblement et tranquillement » déclenche une forte réaction des communautés impactées.

Bien que le village se situe en terres béarnaises et qu’il ait toujours été rattaché à des cantons béarnais (Aramits en 1796 puis Oloron-Sainte-Marie, en 1806), Esquiüle est un village basque dont la culture et les traditions demeurent vivaces : persistance de la langue, enseignement des danses basques, pastorales et mascarades, sans compter, fin août, les fêtes du village.

Patrimoines

L’église de l’Immaculée Conception

Une chapelle d’Esquiüle est mentionnée comme annexe de Barcus jusqu’à la première moitié du XVIIe siècle. Devenue indépendante, la communauté décide de procéder à plusieurs emprunts afin de construire son église, dédiée à la Vierge en 1645 puis à Notre-Dame à partir de 1708.

Dédiée à l’Immaculée Conception, une nouvelle église est construite en 1875 sur l’emplacement de l’ancienne, devenue trop petite. Elle est consacrée dix ans plus tard.

L’édifice est composé d’une nef unique, d’un transept et d’un chevet orienté. Elle comprend deux étages de galeries de bois longeant intégralement la nef jusqu’à l’installation de l’orgue il y a quelques années. La nef et le transept sont lambrissés.

L’ensemble de l’édifice est entièrement recouvert d’un décor réalisé par l’abbé Xavier Montaut, dont la famille, basée à Oloron, a comporté de nombreux artistes peintres. Le pourtour du chœur est orné de représentations d’Apôtres et de saints – saint Bernard, saint Benoît, saint Grégoire, saint Jérôme, saint Augustin, saint Ambroise, saint Pierre, saint Paul, saint Ildephonse, saint Thomas, saint Epiphane, pape Pie IX. Le transept accueille, quant à lui, les représentations de l’Annonciation et de l’Assomption de la Vierge.

L’orgue Puget provenant de Toulouse a été entièrement restauré par l’organiste de la paroisse et installé en haut de la tribune qui a été renforcée pour supporter son poids. Le buffet a été fabriqué en chêne et châtaignier par l’ébéniste du village en 1993.

  

Le château Mesplède

À la fin du XVIe siècle, le seigneur Charles de Luxe, capitaine d’Henri IV, vend la seigneurie d’Esquiüle au baron de Mesples, seigneur d’Aren, pour son troisième fils, Anchot de Mesples.

Ce dernier entreprend, en 1609, de faire bâtir, sur la route menant à Barcus, une demeure seigneuriale dans le style Renaissance, ainsi qu’une chapelle dédiée à saint Xavier. Le château s’apparentait plus à un pavillon de chasse de 3 niveaux formant un L autour d’une cage d’escalier centrale.

Le château devient un bien national après la Révolution Française, puis est racheté par des particuliers. En ruines, ses matériaux ont servi à la restauration du château d’Aren dans les années 1980. Seules subsistent la tour d’escalier et quelques traces de l’ancienne chapelle.

Zoom sur...

La rafle d'Esquiüle

Au printemps 1943, pendant l’occupation allemande, Marie Arrosères, de naissance Marie Lerdou-Udoy, âgée de 20 ans, sauva plus d’une quarantaine d’hommes ainsi que toute sa famille d’une mort certaine.

Un groupe de maquisards et de réfractaires d’environ une quinzaine d’hommes s’était installé dans les bois de Chabalgoity et de la Cave proches de chez elle. Ces maquisards venaient se ravitailler chez Marie et dans les fermes voisines.

Suite à une dénonciation, une division allemande, assistée de miliciens français, prit position tout le long du chemin menant d'Esquiüle à Oloron, afin de capturer les maquisards. Le père de Marie lui demanda alors d’aller avertir les maquisards pendant qu’il irait avertir les réfractaires.

Le lendemain matin, à la première heure, les allemands envahirent le quartier de la Cave et entreprirent une rafle de tous les hommes esquiulais valides. Le groupe d’une quarantaine de prisonniers prit la route vers Narbé pour se rendre à Aramits.

Arrivés sur place, les prisonniers furent amenés dans le cimetière puis alignés contre un mur. Un responsable allemand annonça alors qu’aucun maquisard n’avait été trouvé dans les bois d’Esquiüle. Les prisonniers furent libérés in extremis.

Le saviez-vous ?

La pastorale

Apparu à la fin du XVe siècle, ce théâtre de plein air était encore représenté, à la fin du XVIIIe siècle, dans une large part de l'Europe.

Véritable expression artistique collective et individuelle, création d'un auteur, d'un metteur en scène, d'une troupe d'amateurs, chaque pastorale est composée d'un rituel scénique : déclamation, déplacements sur scène et toute une expression artistique.

Le rôle fédérateur au sein de chacun des villages, le lien social qu'elle génère et renouvelle sans cesse, contribuent au regain d'intérêt que lui portent les Souletins.

Depuis trente ans, on assiste à un véritable renouveau de ce mode théâtral en langue basque, avec des créations nouvelles chaque année, au niveau des pièces, des chants, des danses, des musiques, de la poésie... Mobilisant tous les habitants du village durant toute une saison, drainant un public toujours plus large, la pastorale réussit ce miracle chaque fois répété depuis la nuit des temps, de la transmission d'une culture véritablement populaire, conservée et jouée pour et par le peuple.

Les Souletins sont conscients d'être les derniers maillons de la préservation de ce mode théâtral ayant connu ses heures de gloire en Irlande, Grèce, Yougoslavie, Bretagne, Béarn...

Une mobilisation de plusieurs mois pour un projet commun et deux représentations seulement, sur une scène très sobre, installée dans une prairie ou sur un fronton... Et le miracle se renouvelle chaque fois.